Visages de la Saint-Barthélemy

Écoute critique

Publié le 10 septembre 2024

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Je n’ai pas pour habitude de chroniquer mes écoutes. C’est un regret. Je me contente de relayer mes coups de cœur ici ou là sans plus d’explications. Pour Les voix de la Barthélemy, je vais faire une exception, non parce que le réalisateur est un ami, mais parce que je viens de passer un formidable moment.

Antoine Gouritin, puisqu’il s’agit de lui a eu raison de poursuivre ce projet ambitieux dont il me parle depuis longtemps. Je le remercie de m’avoir donné accès à l’intégralité des épisodes alors que ces derniers demeurent (à l’instant où j’écris) en cours de diffusion.

Je me sens d’autant plus privilégié, que je ne suis pas vraiment un passionné d’Histoire. J’ai plongé dans ce récit avec bienveillance, mais avec la crainte de m’y ennuyer un peu. J’ai d’ailleurs écouté le début en faisant autre chose.

Et puis à partir de l’épisode 3, j’ai été embarqué. Je me suis dit que la suite méritait mieux qu’une oreille distraite entre la vaisselle et l’étendoir à linge. J’ai laissé filer ma semaine de rentrée pour donner toute mon attention à ces voix de la Saint-Barthélemy.

Je n’ai pas été déçu. Je peux même affirmer que je ré-écouterais ces voix. Il est rare qu’une production sonore suscite une telle envie chez moi. C’est dire.

Je suis un habitué de podcasts plus poétiques1 mais dans des genres variés. Je suis curieux. Ici, j’ai repéré un petit plus qui fait toute la différence : de l’humilité.

Humilité de l’historien Jérémie Foa, auteur et narrateur, qui n’hésite pas à faire état de ses doutes ou ses interrogations tout au long de la série. Le ton est précis, un brin professoral2, mais son écriture nous prend par la main avec de nombreuses interpellations, “tendons l’oreille”, “rapprochons-nous”, etc. Des formules orales qui se prêtent bien à l’adaptation audio.

Je comprends Antoine lorsqu’il dit avoir “entendu” le texte durant sa première lecture. Son instinct a vu juste.

Entre “Cold case” et enquête historique

La structure du récit est simple : avant, pendant et après le massacre. Efficace. Une volonté de mise en scène évidente qui permet à l’auditeur·ice de trouver sa place. Les explications savantes et les dialogues inventés viennent ponctuer une impression d’entre-deux qui court sur l’ensemble.

Le texte nous rappelle sans cesse qu’il est une interprétation d’écrits bien réels qui n’ont rien de très narratif : documents administratifs, actes notariés et autre compte-rendu juridiques. Ces textes indiquent la nature des relations entre des gens ordinaires : marchand, orfèvre, avocat, notaire, soldat, brefs points d’aristocrates. Ceux-ci n’apparaissent que vers la fin, mais pour ne pas vous la divulgâcher, je m’arrêterai ici.

Ce que l’on comprend, c’est qu’un massacre de cette ampleur n’a pu se tenir que parce que bourreaux et victimes se connaissaient bien (très bien même). Une querelle de voisinage à l’échelle d’une ville, mais qui aurait mal tourné. Les raisons sous-jacentes demeuraient bien médiocres : jalousie, cupidité et surtout mensonges et autres petites veuleries qui n’avaient qu’un but, tenter de survivre. On est bien loin des intrigues de cours de La Reine Margot d’Alexandre Dumas.

Les motivations religieuses ont beau être au cœur de l’événement, elles passent au second plan. Ou plutôt, elles s’incarnent dans des anecdotes du quotidien, comme cette dispute de couple autour des œufs et du jambon dans l’épisode 3.

L’Histoire c’est politique

Ce que je retiens de cet immense travail ce sont des visages. Des acteurs bien réels d’un événement hors du commun. Que l’horreur et la barbarie humaine peuvent apparaître sous n’importe quel prétexte et que Les voix de la Saint-Barthélemy y apportent un éclairage nouveau. Pour le reste, je vous laisse découvrir ce que sont devenus les assassins…

Sur le plan personnel, un tel éclairage me rappelle que la connaissance des faits historiques est un territoire bouillonnant. Que cette mise en son pourra, j’espère, donner à penser les dérives de la religion dont les peuples ont encore à souffrir aujourd’hui.

Jérémie Foa le dit lui-même dans l’un des bonus. Il y a du politique à être accessible au grand public. Raison supplémentaire de se précipiter sur ce podcast. Non seulement vous allez prendre du plaisir, mais il y a fort à parier que cela vous donne matière à réfléchir sur notre époque troublée.

Il paraît que c’est aussi une des forces de l’Histoire.

Les voix de la Saint-Barthélemy

▶️️ Écouter

Un podcast produit par Regards Protestants et Le Musée protestant

Texte écrit et dit par Jérémie Foa

  1. Que j’ai d’ailleurs un peu de mal à trouver dans far-ouest de la production actuelle. 

  2. Rien de surprenant, il est maître de conférence à l’Université de Marseille. 


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Je m'apelle Dimitri Régnier. J'écris, j'enseigne, je fais du podcast et de la radio.
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