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J’aimerai démarrer une série de réflexions sur la condition des artistes/auteurs dans notre pays. Je suis lassé du discours méprisant du pouvoir vis à vis des soi-disant profiteurs de notre “généreux” système. On en a un exemple en ce moment avec Gabriel Attal qui oppose une supposée France qui se lève tôt à une France d’assistés.
Autant le dire tout de suite, je suis un assisté. Je n’en tire pas de gloire (ça se saurai), mais le système ne fait pas grand chose pour me sortir de cette situation, pire il l’entretien.
J’ai déclaré que je ne répondrais plus aux appels à projets institutionnels 1, en réalité, j’aimerai ne plus avoir à y répondre, mais il faut bien vivre ma bonne dame.
Pour que vous compreniez bien la relation perverse que les institutions entretiennent avec les artistes, je vais vous donner un exemple qui m’arrive tout le temps.
D’abord le contexte. J’ai sollicité un organisme public en lui proposant un pilote de podcast en auto-production. (Un jour et demi de travail et le concours des enfants de mon frère). Je voulais proposer un concept auquel cette institution n’aurait peut-être pas pensé. Le fait est que j’ai obtenu un rendez-vous et un certain intérêt pour mon travail. Hélas, la lenteur légendaire des administrations a mis ce projet en sommeil.
Je vis en parti des subsides sociales, comme cela arrive parfois lorsqu’on est indépendant. Je ne m’en plaint pas. Je l’ai choisi.
En revanche ce qui me révolte, c’est le mépris permanent de nos soi-disant élites, comme les dernières réflexions de M. Attal.
Je ne chôme pas. Je peux même affirmer que je travaille beaucoup pour préparer d’autres chantiers et créer d’autres opportunités. Certaines aboutissent d’autres non, mais ce n’est pas le sujet.
Mes écrits et autres pilotes destinés à séduire des futurs commanditaires ne sont JAMAIS comptabilisés. Ça tombe du ciel. (Ben voyons.) Parfois, il m’arrive d’être assez malin pour ajouter ces préparatifs à la facture finale, mais si le projet n’aboutis pas, bah je m’assois sur ce boulot et le temps que je lui ai consacré. Tout le monde trouve ça normal. Moi, plus vraiment.
Mais attendez la suite. Elle motive ce billet et le ressentiment que cette situation nourris chez moi, en particulier quand un branleur millionnaire comme M. Attal vient me faire la leçon.
Figurez-vous que mon institution est revenue vers moi deux ans plus tard. Et, au lieu de me proposer de poursuivre le travail interrompu. Elle m’envoie un cahier des charges reprenant une partie des idées que j’avais mise dans mon pilote. (Vous voyez le genre.) Non, seulement je ne décroche pas le marché, mais me voilà à répondre à un appel projet.
Question : pourquoi les activités qui relèvent du champs de la création artistique doivent être soumise à la marchandisation ? J’aurai préféré qu’on me dise non, plutôt que de m’inciter (voyez la perversion) à me mettre en concurrence avec d’autres créateurs. Ça n’a aucun sens. Il n’y a rien de commun entre deux démarches artistiques. Elles plaisent ou pas, correspondent à une attente ou pas, mais n’ont pas être opposées.
Il est tellement plus simple de laisser faire la concurrence plutôt que d’assumer le choix de travailler avec un artiste sur une œuvre de commande.
Les conséquences de cette sale habitude de mettre les gens les uns contre les autres sont nombreuses :
- La précarisation des métiers des l’art.
- L’obligation de répondre sans cesse à des appels à projets, à participations, à concours (peu importe le nom).
- L’organisation d’un marché concurrentiel entre des gens qui n’ont rien à voir.
- L’uniformisation obligeant à se conformer au dit marché.
- L’art ne dérange plus, il n’interroge plus.
Il devient une sorte de gentil agrément décoratif. Son essence subversive s’appauvrit, autant que celles et ceux qui le pratique.
Le travail artistique au quotidien est fait de recherches, de tâtonnements et parfois de propositions. Tout cela est invisibilisé. Et puisqu’on ne le voit pas, il n’existe pas. Donc, les artistes ne font rien la plupart du temps et soudain, pouf ! Par la grâce de je ne sais quel saint-esprit (que certains appellent le talent), l’œuvre géniale apparaît.
Notre société entretien donc un rapport pervers avec les artistes. Et si ça continue, les démarches singulières finiront aux oubliettes. En attendant, je vais quand même finir mon cahier des charges parce qu’en bon branleur que je suis, il faut quand même que je mange. Art + RSA ça ne rempli pas le frigo.
Ces réflexions me viennent d’un petit livre que j’ai découvert récemment et qui s’appelle “Aujourd’hui, on dit travaileur.ses de l’art” de Julia Burtin Zortea - Éd. 369, coll. Manuels. Il me servira sûrement de support pour d’autres articles de ce genre.
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Je m'apelle Dimitri Régnier. J'écris, j'enseigne, je fais du podcast et de la radio. Si cet article vous a plu, vous pouvez me RÉPONDRE ou vous ABONNER pour recevoir mes posts une fois par mois.