Je n'aime pas les bullets-points

Publié le 9 mai 2017

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Il y a quelques jours, j’ai été invité à faire le pitch de mon entreprise dans le cadre convivial de La Cordée, un espace de coworking nantais. La contrainte était la suivante : faire une présentation de son offre sans slides et en une minute.

Préparé comme je l’étais depuis de nombreuses semaines à l’exercice du pitch dans un format long ; j’ai dû réduire drastiquement la structure de mon discours. Après avoir demandé de l’aide à l’un de mes associés, je suis allé au rendez-vous dans un état de relative confiance. La répétition avait été un échec. Je n’avais pas réussi à descendre en dessous de deux minutes et encore, en quasi-apnée.

Une fois sur place, impossible de me débarrasser de mon plan qui tournait dans ma tête. À mon tour, je me suis lancé en déroulant ledit plan qui ne demandait qu’à sortir. Le début se passa bien. Puis vinrent les 30 dernières secondes, et là, mon cerveau délivra un galimatias informe. La structure de mon pitch s’était envolée. Conséquence sans surprise, les gens n’ont rien compris.

Heureusement, le retour bienveillant des personnes présentes et la séance de questions qui suivirent me permirent d’expliciter, cette fois sans contraintes et sans bullet-points mentaux, la proposition de valeur de mon entreprise. Débarrassé du cadre, j’ai pu pleinement laisser s’exprimer mon corps et interagir de façon naturelle avec le public présent. À ma grande surprise, je n’ai pas spécialement eu l’impression d’être beaucoup plus long ; mais surtout cette fois, tout le monde avait compris.

Avec le recul, je crois que mes réflexes de survies d’ancien acteur ont joué en ma faveur. Je pense être un bon orateur, et cet échec m’a fait prendre conscience de quelque chose de plus grand que moi. Comme je le dis depuis longtemps, je suis au service de mon projet. Mon corps, ma voix, mon regard sont les instruments d’une pensée en mouvement. Or dans le cas présent, en voulant être un bon élève et respecter la consigne. J’ai mis mon argumentation en conserve dans des bullets-points.

En une minute, j’ai balancé ma rhétorique encapsulé à la figure de tout le monde et débrouillez-vous avec ça.

Ce que j’ai appris : prendre la parole ou s’exprimer en public n’est pas un exercice strictement intellectuel, c’est d’abord une interprétation. Un orateur, comme un comédien, se doit de mettre son appareil corporel au service du message qu’il délivre en interaction permanente avec son audience. Une fois soulagé de la règle, je me suis connecté avec le public, et j’ai déroulé le storytelling et la proposition de valeur de mon entreprise. Sans m’en rendre compte, je me suis appuyé sur l’auditoire par le regard, en détectant instinctivement les micro-réactions et en ajustant le contenu de ma présentation en conséquence.

Bref, j’ai construit avec ceux qui m’écoutaient une vision, non pas pour convaincre le public, mais pour faire comprendre au présent ce que ce projet représentait pour moi, et cela bien au-dessus de ma personne.

Je tiens donc à remercier, Simon, Fabrice, Cécile et tous les autres pour leur patience et leur gentillesse, et je promets la prochaine fois de mieux préparer mon pitch. Mais surtout, tâcher de l’oublier une fois devant ceux qui me feront l’honneur de l’écouter.


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Je m'apelle Dimitri Régnier. J'écris, j'enseigne, je fais du podcast et de la radio. Si cet article vous a plu, vous pouvez me RÉPONDRE ou vous ABONNER pour recevoir mes posts une fois par mois.

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