L'art de l'interview

Publié le 26 février 2021

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Mon dernier article m’a inspiré celui-ci. En effet, en juin de l’année précédente et en janvier de cette année, j’ai animé deux séminaires consacrés au podcast. J’en ai tiré quelques réflexions que j’aimerai partager. Si des aspirants podcasteurs me lisent, j’espère que cela leur sera utile.

On pourrait penser (à tort) que mettre un micro devant quelqu’un fait de vous un intervieweur. Il n’en est rien. C’est d’autant plus vrai lorsque votre interlocuteur ne s’attend pas à être interrogé comme c’est souvent le cas dans Le Mégaphone.

Avant tout, je tiens à préciser une chose. Même avec une longue pratique, la peur d’aborder des inconnus ne disparaît jamais (un peu comme le trac). Chaque fois que je m’attèle à tourner dans la rue, j’ai toujours un petit frisson, une légère appréhension. C’est normal. J’ai fini par l’apprivoiser. Ce n’est pas une situation naturelle que celle de tendre un micro.

Ici & maintenant

Apprenez à vous oublier, à être à 100% tourné vers l’autre. Soyez disponible. Interroger c’est savoir écouter. Partez de l’immédiat de l’ici et maintenant (désolé, je n’ai pas d’expression différente pour formuler cette idée.)

Cette capacité ne s’enseigne pas. On l’acquiert avec la pratique. Se rendre compte que l’on n’a pas été complètement là, que l’esprit a vagabondé pendant une réponse est une sensation désagréable. Celle d’avoir raté quelque chose.

Pour pallier à ce problème, trouvez l’équilibre entre la relation au présent et l’anticipation. Si je fais cette distinction, c’est pour montrer que la part d’inconnue est aussi essentielle (voire plus) que celle de prévoir la question suivante.

En effet, être dans l’attention permet d’être perméable à la surprise, à l’inattendu. Cela offre des ouvertures à votre conversation à laquelle vous n’auriez pas forcément pensé.

Petite astuce bonus : posez votre regard sur l’autre et réagissez silencieusement. Indiquez par ces micro-signes que vous êtes dans une écoute active.

Soyez curieux

Là j’enfonce une porte ouverte. Un bon intervieweur est un curieux. Si vous n’avez pas naturellement cette qualité, cultivez-la. Apprenez à creuser, à comprendre. Demandez à préciser, toujours. Ne soyez pas timide si vous n’avez pas saisis. Ça arrive. Reformulez.

Soyez bref

Durant une longue période, j’ai eu tendance à orienter ou poser des questions interminables. Par peur du vide. Pire, elles étaient souvent fermées. Ce n’est pas forcément un mal. Prenez-en simplement conscience. Et si c’est le cas, relancez. Pourquoi. Comment, etc. Avec la pratique, ça devient vite un réflexe.

Laissez dérouler

Cela peut paraître contre-productif, mais interrompre votre interlocuteur, vous coupe des potentielles surprises évoquées plus haut. Si vous tombez sur un bavard ou un bon client, tant pis. Cela se jouera au montage. Si vous êtes dans la situation inverse et que la personne est intimidée : rebondissez. Pas le choix. ^^

Ne préparez pas trop

Là aussi, cela peut paraître contre-productif, et pas tout à fait vrai dans certains cas, mais je vais préciser. Si vous êtes face à une personne experte dans un domaine ; renseignez-vous à fond sur elle et préparez quelques questions pour amorcer la conversation. C’est utile si vous souhaitez avoir des informations. Dans le cas où vous cherchez plutôt une histoire, des sentiments et des émotions, être dans l’ici et maintenant me semble préférable. À vous de doser.

Privilégiez la présence

N’importe quel podcasteur (ou reporter) un peu sérieux vous le dira. Une bonne interview se fait en présence. Les outils web permettant de le faire à distance desservent votre travail. Vous ne pouvez pas être attentif aux signes invisibles (position du corps ou des mains, mini réactions, etc.) C’est encore pire si vous n’avez que le son. Je l’ai constaté maintes fois. Autant que possible, bannissez l’interview via internet.

Et pour enfoncer le clou, prenez rendez-vous dans un endroit où votre invité sera à l’aise, un lieu neutre (comme un jardin public) ou qu’il connait bien, idéalement son domicile.

Echangez ?

Là, ça fait débat. Je suis de la team micro partagé. C’est pas très COVID (autant porter le masque), mais cela offre plusieurs avantages. Tout dépend de la situation.

  1. Cela permet une meilleure distribution de la parole. Grâce aux allez/retour, vous indiquez à votre interlocuteur que vous allez la reprendre. Par conséquent, vous fluidifiez la conversation.
  2. Vous gardez le contrôle.
  3. Inversement, en tendant le micro vous déclencher la réponse.
  4. Enfin, cela incite au rapprochement, donc à la confidence.

Sur ce point, tout le monde ne sera pas d’accord avec moi, mais j’assume.

Donnez-vous du temps

Là, c’est l’expérience qui parle. Plus c’est long, plus c’est bon. La confiance se construit avec du temps. Vous allez vite vous en rendre compte. Essayez d’obtenir d’importantes plages d’entretiens. C’est d’autant plus vrai lors de l’élaboration d’un documentaire. Si ce n’est pas possible, multipliez les rendez-vous dans le temps. Là, vous êtes en train de me maudire, car, qui dit grands échanges dits rushs de malade et des heures de montage en perspective. Et oui, il faut savoir ce qu’on veut. Mais voyons le côté positif. Plus vous aurez de matière, plus le potentiel créatif d’écriture sonore sera immense.

Derniers conseils en vrac

Ils m’ont été donnés par Julien Cernobori, dont vous pourrez apprécier le travail d’interview dans son podcast Superhéros.

Si vous craignez de manquer d’inspiration pour vos questions :

Partez de vos sensations de l’instant. Bref, partez toujours de vous.


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Je m'apelle Dimitri Régnier. Je suis auteur radiophonique indépendant. J'écris, j'enseigne, je fais du podcast et de la radio.
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